Un espace sonore où se déploient et se croisent les paroles de cinq personnes ayant vécu l’exil, habitant aujourd’hui Toulouse. Textes poétiques, réflexions philosophiques, témoignages et extraits d’entretiens s’entretissent pour exprimer des zones intérieures, des souvenirs, des manières d’être au monde et aux autres, teintées d’une sensibilité et d’un vécu, par essence singuliers.
La genèse du projet
Si le projet « Ici & Ailleurs » devait initialement donner lieu à la représentation d’un spectacle interdisciplinaire sur le thème de l’exil au Théâtre Le Fil à Plomb le 11 juin 2020, la crise sanitaire et les mesures de confinement en application dès la mi-mars nous ont contraint-e-s à repenser le projet dans ses modalités de création et de restitution. Les ateliers d’expression axés sur le théâtre à travers le travail de la voix et du corps menés depuis novembre 2019, ont laissé place de mars à juin 2020 à des ateliers d’écriture en visio-conférence. La forme du projet a quant à elle évolué du spectacle interdisciplinaire à la création radiophonique, la diffusion de cette dernière n’étant pas limitée par les réglementations en vigueur.
Nous adaptant à la situation, il était pour nous absolument nécessaire de trouver les moyens de poursuivre le travail d’expression initié avec les participant-e-s, afin de consolider le lien humain et créatif fort qui s’était mis en place depuis l’automne 2019 et d’aboutir ainsi à un objet artistique commun à moyen terme.
Les participant-e-s ont ainsi exploré une autre manière de dire leurs histoires : d’abord par l’écriture – poétique, autobiographique, fictionnelle… – en langue française pour la plupart, ensuite par le déploiement de l’univers sonore contenu dans les mots. Au cours de quatre journées d’enregistrement au studio éole à Blagnac fin juin, les participant-e-s, accompagné-e-s par l’artiste sonore Jacky Mérit et la comédienne et metteure en scène Nicole Garretta, ont appris à déployer les dimensions de leurs propres textes en les incarnant par la voix (parlée, chantée, chuchotée, criée…) et par le son (bruits, musique…).
Des mots autour de l’œuvre…
« Moisson de voix, paroles de migrants pour une écriture du Témoignage… Une pluralité des équivoques que la voix de l’Autre ici, nous donne à entendre.
Écrire le sonore du vivant, d’une vérité déplacée, chahutée… le vivant d’une proximité perturbée, brouillée dans nos géographies même très intimes.
Transcrire les épaisseurs du dire écarté, de l’être exilé caché de ces lointains si proches de nos existences abonnées.
C’est à la frontière des écritures du sonore, dans la porosité de l’écriture du tangible, que j’engage ici ce travail.
Engager toute la force plastique de la voix pour en manifester tous ses sensibles et ses réalités.
Passer cette parole dans la chaleur de nos hospitalités… »
Jacky Mérit – créateur sonore associé au projet
« Normalement, l’être humain naît avec une voix, mais il ne la reconnaît pas lorsqu’elle est enregistrée. L’oreille humaine est capable de reconnaître et d’entendre cette voix. Dans la voix il y a de l’émotion et un secret agréable, qu’on ne peut pas décrire, mais qui peut attirer les auditeurs. La voix a sa propre intensité. Ces degrés d’intensité sonore chez l’être humain sont variables. Et c’est pour cette raison que l’être humain est personnalisé par sa propre voix. Pour certains cette voix manque. De plus, certain ne connaissent pas les rythmes de leur voix. L’enregistrement sonore est le seul moyen pour connaître le timbre et l’intensité de sa propre voix. Cet outil est un moyen pour travailler, modifier le rythme et notre manière de parler. L’enregistrement sonore est un art qui donne à la voix une valeur. La première fois que j’ai enregistré ma voix c’était dans un centre éducatif pour décrire un bijou et lorsque j’ai entendu l’enregistrement, ça ne m’a pas plu : « of, c’est pas bien, pourquoi j’ai parlé ? ». Ensuite j’ai laissé tomber et je ne voulais plus travailler sur la voix. Je souhaitais travailler sur ma voix, mais j’attendais d’avoir le temps et le bon outil. L’atelier d’enregistrement nous a appris à bien contrôler notre voix et à bien parler pour attirer des auditeurs. L’art de la voix est une mémoire devant nous-mêmes. En plus, la première rencontre avec l’amour se fait par l’art de la voix et le regard. C’est l’art de la voix qui touche les auditeurs.«
Nassima – voix et co-autrice des textes
Au bord du chant de l’Exil
Création sonore 2019-2020
Textes et voix : Hekmat, Mamad, Nassima, Saeïd, Zohal
Ateliers d’écriture : Noémie Le Lay-Mérillon
Direction des voix : Nicole Garretta
Création sonore : Jacky Mérit
Résidence d’enregistrement : Studio éole
Association partenaire : Hambastegi
Avec le soutien du Conseil Départemental de Haute Garonne,
dans le cadre du «Fonds de soutien à l’initiative culturelle locale»